Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

La personnalité «histrionique»

Le diagnostic de personnalité histrionique remplace l'ancien diagnostic de personnalité hystérique. En fait, le terme hystérie vient d'un mot grec qui veut dire utérus. Hippocrate «400 ans avant J.-C.», et d'autres médecins de cette époque, croyait que cette maladie psychologique se manifestait seulement chez les femmes frustrées sexuellement ou en besoin de sexe. L'hystérie était la conséquence de la révolte de l'utérus, croyait-on. On rapporte qu'Hippocrate recommandait le mariage et l'enfantement comme remède à cette maladie!!!

Au début du siècle, Freud et ses collègues ont redéfini le problème en identifiant deux types d'hystérie: de conversion et de dissociation. L'hystérie de conversion était un mécanisme de défense inhérent à un conflit psychique. Cette défense se manifestait par des symptômes somatiques, comme la paralysie, des douleurs physiques, des maux de tête, l'impuissance chez l'homme, la frigidité chez la femme, et cetera. Comme si le conflit psychique se projetait dans le corps.

L'hystérie de dissociation était caractérisée par les dédoublements de personnalité ou personnalités multiples, les pertes de mémoire ou amnésie et des fugues. Le tout, évidemment, pour éviter la douleur psychique et le stress inhérents à un conflit psychique. Le théâtralisme, la dépendance et la manipulation de l'entourage étaient également considérés comme des caractéristiques associées à la personnalité hystérique.

L'histrionie

De nos jours, les chercheurs et cliniciens trouvent qu'il est plus juste et moins discriminatoire de parler de trouble de personnalité histrionique, sans rapport avec l'utérus ou le sexe de la personne.

Les personnalités histrioniques sont caractérisées par le besoin insatiable d'attention et l'expression excessive des émotions. Ces personnes cherchent constamment à recevoir des éloges ou à être rassurées. Elles ont besoin d'être au centre de l'attention. Elle sont théâtrales et ont tendance à être très égocentriques, avec peu ou pas de tolérance à la frustration. Ainsi, la gratification doit être immédiate, sans quoi, elles réagissent vivement. L'apparence physique est au centre de leurs préoccupations.

Durant ma première année d'expérience, je me souviens d'un homme qui me consultait et qui me racontait les déboires épouvantables de son enfance. Son histoire était tellement triste que j'avais les larmes aux yeux. À la fin de la séance, il me dit avec un grand sourire: «ne vous en faites pas docteur, c'est rien çà, attendez la semaine prochaine...». Je n'en croyais pas mes yeux ni mes oreilles: à 14 heures 48, il pleurait à chaudes larmes et à 14 heures 50, c'était le «party», il quittait quasiment euphorique. Ce soir-là, j'ai relu toutes mes notes pour réaliser que je venais de rencontrer un histrionique.

La séduction

Les personnalités histrioniques sont typiquement attirantes et séduisantes. Elles opèrent sur le mode «séduction». Le commun des mortels les appelle «agace-pisettes» ou «Don Juan», parce qu'elles envoient constamment des messages de séduction et cherchent à plaire. Je me souviens d'une dame qui se présentait aux consultations suite à son cours de danse aérobique. Après qu'elle eût enlevé son manteau, j'ai réalisé qu'elle était vêtue de son maillot d'exercices. «Séductrice», me direz-vous. Son fantasme, disait-elle, était de faire l'amour à un docteur dans son bureau. En effet, ces personnes cherchent les sensations fortes. Elles sont sans cesse en quête de nouveauté, de stimulation, et la routine les ennuie rapidement.

DSM-IV

Pour recevoir un diagnostic de personnalité histrionique une personne doit présenter au moins cinq des huit caractéristiques suivantes:

  1. la personne est mal à l'aise dans les situations où il n'est pas au centre de l'attention d'autrui;
  2. l'interaction avec les autres est souvent caractérisée par un comportement de séduction sexuelle inadaptée ou une attitude provoquante ;
  3. la personne présente une expression émotionnelle superficielle et rapidement changeante ;
  4. la personne utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l'attention sur soi;
  5. la manière de parler de la personne est trop subjective, mais pauvre en détails ;
  6. la personne dramatise, elle est théâtrale et il y a une exagération de l'expression émotionnelle ;
  7. la personne est suggestible et elle est facilement influencé par autrui ou par les circonstances;
  8. la personne considère que ses relations sont plus intimes qu'elles ne le sont en réalité.

Les conséquences

Comme dans le cas de d'autres troubles de la personnalité, ce n'est pas seulement la personne affligée par le problème qui souffre, mais également les personnes de son entourage. Les relations interpersonnelles sont souvent orageuses et décevantes. Ces personnes consultent souvent suite à une crise conjugale ou suite à une pseudo-tentative de suicide.

Les interventions

Dans un contexte de thérapie individuelle, le traitement cognitif met surtout l'accent sur la réduction de l'émotivité excessive en plus de réévaluer les schémas cognitifs comme: ce n'est que l'apparence qui compte, je dois toujours être remarqué, on doit toujours acquiescer à mes demandes, je dois toujours exprimer vivement mes émotions, les sensations fortes permettent d'éviter la monotonie, je me sens apprécié seulement lorsque j'arrive à séduire. Personnellement, je crois que ce n'est que par l'autenticité qu'on s'approche du bonheur.

Bibliographie :

  • American Psychiatric association, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Traduction française, Paris, Masson, 1996.
  • Beck, J.S., Cognitive Therapy of personnality Disorders in P. M. Salkovskis, Frontiers of Cognitive Therapy, Guilford Press, 1996.
  • Cottraux, J. et Blackburn, I.M.. Thérapies cognitives des troubles de la personnalité. Masson, 1995.
  • Cousineau, P., L'approche cognitive et les troubles de la personnalité dans la Revue québécoise de psychologie, vol. 16, no 2, 1995.
  • McGinn, L.K. and Young, J.E., Schema-Focused Therapy in P. M. Salkovskis, Frontiers of Cognitive Therapy, Guilford Press, 1996.
  • Stein, D.J., Young J.E., Schema Approach to Personnality Disorders, dans D.J. Stein, J.E. Young, Cognitive Science and Clinical Disorders, Academic press, 1992.
  • **Young, J.E. et Klosko, J.S., Je réinvente ma vie, Les Éditions de l'Homme, 1995 (version anglaise 1993).

Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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N.B. Le but de cet article est d'informer le lecteur concernant les caractéristiques associées à une maladie mentale. Seulement un professionnel de la santé qualifié peut évaluer ce genre de maladie.

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