Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

La jalousie

Certains chercheurs croient que la jalousie est surtout innée, alors que d'autres prétendent qu'elle est surtout influencée par la culture. Une chose est certaine, la jalousie est un phénomène très complexe qui se manifeste tant chez l'adulte que chez l'enfant.

Il va sans dire que la jalousie est un sentiment douloureux qui vient nous chercher jusque dans les tripes. Ce désir de possession exclusive, bien que très angoissant pour celui qui l'éprouve, a également un effet dévastateur et paradoxal sur l'être aimé. J'ai souvent vu des personnes se séparer parce que la jalousie rendait la relation invivable.

Évidemment, lorsqu'on est en amour, on a toujours un peu peur de perdre l'être aimé. St-Augustain allait jusqu'à dire que s'il n'y a pas de jalousie, il n'y a pas d'amour. Il faut dire que la ligne est parfois mince entre la jalousie normale de celle qui est pathologique.

La jalousie chez les enfants

Chez les tout-petits, par exemple, on constate souvent un sentiment de jalousie face au nouveau-né. La plupart du temps, ce sentiment est normal et s'estompe généralement quelques mois après la naissance du bébé. L'enfant constate, à juste titre, qu'il perd l'attention de ses parents en faveur du nouveau-né. Alors, il tentera d'attirer l'attention de ses parents pour combler le vide. Il arrive que cette situation se complexifie et s'intensifie surtout si les parents ne réalisent pas qu'ils doivent rétablir l'équilibre affectif chez l'enfant jaloux.

Bien que ce soit rare, certains enfants auront des réactions extrêmes, allant jusqu'à faire mal au nouveau-né. Dans les annales psychologiques on rapporte des cas exceptionnels de nourrissons battus et même tués par des enfants de moins de huit ans. En général, l'enfant jaloux va se limiter à bouder, s'isoler, faire du bruit ou des mauvais coups, briser des jouets, ou encore simuler une maladie pour avoir l'attention des parents. Certains enfants s'illustrent par leur créativité pour attirer l'attention des parents.

Une potion psychologique pour l'enfant jaloux

Si la jalousie émerge, c'est un signe que votre enfant a besoin d'une attention spéciale et exclusive. Donnez-lui une bonne dose d'attention et d'affection. Essayez de trouver des moyens pour le valoriser et lui montrer que vous l'aimez autant que le nouveau-né. Les parents sensibilisés et préventifs manifesteront beaucoup d'attention et d'amour pour prévenir la jalousie. Je recommande cette même potion pour le père jaloux. Hélas, lui aussi, il a besoin d'une certaine dose d'attention.

La jalousie chez les amoureux

Saviez-vous qu'il est estimé qu'environ 20 % des meurtres sont d'origine passionnelle, ou si vous préférez sont reliés à la jalousie. Il est estimé que plus de 65% des femmes en maison d'hébergement protégé sont victimes d'un conjoint maladivement jaloux. En thérapie conjugale, les intervenants rapportent qu'environ 30 % des clients éprouvent des difficultés conjugales reliées à la jalousie et la possessivité.

Il est difficile de tracer une ligne entre la jalousie "normale" de celle dite "anormale" ou pathologique. Je crois que l'on converge vers la pathologie lorsque notre sentiment de jalousie nous cause une angoisse difficile à tolérer ou encore intolérable. La dimension "obsessive" ou délirante dans certains cas, me paraît également comme des variables importantes à considérer. Par exemple, vous avez une crainte récurrente que l'être aimé va vous tromper. Ou encore, vous soupçonnez constamment que l'être aimé cherche des aventures passionnelles. Vous êtes convaincu que l'être aimé est infidèle, mais vous n'avez pas de preuve concrète. Si la jalousie vous rend agressif et même violent, elle est probablement pathologique. Si l'être aimé est angoissé par votre jalousie, il y a un problème. Si la violence est physique, ça presse, vous avez besoin d'aide.

Un exemple de jalousie

Par exemple, Jean-Claude "nom fictif" me disait qu'il est convaincu que Johanne, sa conjointe, le trompe avec son patron. Malgré le fait qu'il en soit convaincu, il est incapable de me donner une preuve concrète. C'est plutôt intuitif... Pour lui, il est évident que lorsque le patron de Johanne lui demande de faire du temps supplémentaire, c'est parce qu'il a l'intention de la séduire. Il est très inquiet qu'elle succombe à la tentation de ce séducteur chevronné...dans son imaginaire. Une autre présomption digne d'une imagination fertile, mais malsaine. Dès son retour du travail, Johanne doit faire face à une kyrielle de questions dignes d'une Commission royale d'enquête, en plus d'avoir droit à des commentaires autant gratuits que blessants. Il va sans dire que Johanne n'en peut plus, en plus d'être blessée par les prétentions de Jean-Claude. Il a même réussi à lui dire qu'elle se comportait comme une putain. "Je l'ai un peu brassée" me dit-il. Fait étonnant, Jean-Claude m'a même confié qu'il avait déjà trompé Johanne! "Ça c'est de la projection", me diriez-vous ? En effet, Jean-Claude semble projetter sa propre vulnérabilité sexuelle sur sa conjointe.

L'histoire se termine mal, car Johanne a quitté Jean-Claude... À bien y penser, peut-être qu'elle se termine bien pour Johanne... Quant à moi, durant la thérapie, je me sentais comme un pompier qui arrose un feu, et qui, après avoir déployé une bonne quantité d'énergie, constate qu'il n'y a que des braises au sol.

Après la rupture, Jean-Claude a continué à cheminer en psychothérapie. Nous avons découvert ensemble qu'il avait un problème sérieux au niveau de l'estime de soi et de la confiance en soi. Il a appris à confronter ses pensées irrationnelles pour désamorcer son imaginaire malsain. Il a également amélioré ses habiletés de communication et de négociation concernant les comportements acceptables et non acceptables chez l'autre. Il a conscientisé l'importance d'une relation équilibrée en terme de pouvoir et d'équité. Il a reconnu qu'il projetait son infidélité ou sa propre vulnérabilité sur sa conjointe. Il a aussi réalisé que son manque d'autonomie et sa dépendance affective militent en faveur du maintien du sentiment de jalousie. Il a reconnu qu'il devait faire face à sa jalousie d'une manière intra personnelle plutôt qu'interpersonnelle.

Bref, un suivi d'un an, après la psychothérapie, m'a permis de constater que sa jalousie était maintenant un irritant mineur pour Jean-Claude. Je suis heureux de constater qu'il a acquis de la maturité et qu'il peut maintenant vivre son sentiment d'amour sans détruire sa relation amoureuse.

Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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N.B. Le but de cet article est d'informer le lecteur concernant les caractéristiques associées à une maladie mentale. Seulement un professionnel de la santé qualifié peut évaluer ce genre de maladie.